Journal de confinement "Voyages vers l'amour". Jour quarante-cinq

Le pouvoir à été écarté de nos relations par l'absence de mots, mais pas seulement.
Un soir de renouveau de la nature, le feu nous a appelé, le groupe d'êtres humains, les animaux, l'esprit des végétaux et des minéraux, toutes les énergies étaient présentes. Nous sentions même la compagnie des quatre directions, de celles de la terre mère et du père ciel. Tout était présent.
L'une d'entre nous a commencé à jouer du tambour pour relier toute cette assistance, nous sentions le moment solennel. Les invitations du feu à venir l'entendre sont rares. Un tourbillon de flammes s'est élevé dans le noir du ciel, les braises rougeoyantes ont virevolté vers les étoiles, leurs soeurs. Le feu nous a envoyé son message, en produisant un son, rauque, il couvrait le son du tambour.
Tout de suite après, il a baissé d'intensité, les flammes ont rapatrié leurs braises et sont revenues tout près de leurs buches.
Et c'est là que ça c'est passé, chacun d'entre nous - les animaux en premier, nous les êtres humains juste après, suivi par l'ensemble des esprits, dans une espèce de file indienne joyeuse, nous sommes passés par dessus le feu. Nous l'avons tous enjambé, sentant au passage son intense chaleur bienveillante.
Dans ce passage sacré, la peur, la peur de chacun, est restée accrochée aux flammes.
L'un après l'autre nous nous sommes retournés pour regarder notre propre peur en combustion et aussi voir notre peur collective. Il faut le dire, car cette expérience du passage du feu a complètement changé la vie. La peur, les peurs partaient en fumée, une fumée sombre comme une ombre. Le feu est reparti de plus belle, nous nous sommes tous éloignés, les flammes sont devenues rouge, d'un rouge intense, d'un rouge sang, couleur du coeur. Et, comme la totalité des êtres en présence, j'étais devenu léger, je pleurais sans pouvoir arrêter - je crois que cette nuit là nous avons produit plus d'eau que la source.
La peur n'est jamais revenue.
Et le pouvoir, privé des mots et de la peur, s'est transformé en amour.