Journal de confinement "Voyages vers l'amour". Jour trente-cinq

Aujourd'hui, je me suis assis au bord de la rivière. Et puis je suis rentré au camp de base, sans avoir rencontré un être humain. Un corps féminin, nu, s'est présenté là devant. La carte postale a traversé le chaos, une photo d'Irving Penn, ses superbes tirages au platine, peut-être ça qui l'a gardée intact. L'abeille n'a pas survécu, pourtant ses ailles argentées dans la lumière faisait penser qu'elle s'envolerait dans l'instant. Gary était penché par-dessus sa machine à écrire, le magnétophone prêté par Burroughs déconnait, et Gary écrivait sur les expériences sonores et de cut-up, collage et de montage de Bill. Un feuillet dépassait de la machine "La voix insistante, chamanique, doctorale et cabotine de Bill Burroughs ainsi que sa médecine douteuse et amère auront sans aucun doute un effet très bénéfique sur vous."
Je me demande comment va M. Snyder. Gary était là, mais pas là bien entendu, il doit faire partie d'un groupe la-bas. Nous ici, notre groupe s'est formé au gré des marches, des déplacements, il n'y a pas de connu, pas de souvenirs, nous sommes. Avons-nous des noms, des prénoms ? Personne ne pense à ça, nous n'avons pas besoin d'identité supplémentaires, nous sommes. Pas de paroles, la communication se fait par ondes de couleur.
J'ai subitement envie de mettre la cassette de Burroughs, parait que l'effet est déroutant et "érotique".