Journal de confinement "Voyages vers l'amour". Jour trente-neuf

Et l'ouïe est à l'écoute du toucher.
La source, qui porte la mémoire du temps ancien, nous a raconté cette histoire, cette histoire d'avant le chaos, bien avant le chaos. Elle parle d'un peuple premier, les Cahuillas, qui vivent dans le désert et dans les montagnes de l'autre continent, ils cueillent des plantes avec une connaissance très précise. Ils disent qu'en étant attentif et patient, chacun est en capacité d'entendre les plantes parler*. Cette histoire nous a touché profondément et nous nous sommes mis à écouter. La source nous a prévenu que ce n'est naturellement pas un langage que nous connaissons, mais que nous comprendrons. Nous sommes devenus patients, j'ai eu du mal au départ. Et puis d'autres sont venus me montrer que si je touche les plantes, pour être plus précis, si je dirige mes mains vers les plantes, elles émettent un son. Chaque plante à sa propre fréquence, ce qui fait qu'avec de la pratique je peux communiquer avec plusieurs d'entre elles. Ce sont des vrais moments de grâce, les larmes de joie sortent souvent dans ces instants. La pensée n'est pas là, c'est une expérience directe de communication entre les êtres.
Ces pratiques se sont rapidement étendues vers le monde animal et minéral. Il est des moments magiques lorsque les volutes d'énergies et les sons des différents mondes s'offrent aux sens de la vue et de l'ouïe. C'est devenu notre façon de vivre et ça demande une conscience de tous les instants, ce qui nous rend si rayonnants, si présents.
Quelques fois nous ressentons la faim, ce sont les plantes qui s'en aperçoivent en premier, ce sont elles qui se proposent de nous nourrir, elles nous invitent à nous rassasier.
Et l'ouïe développe le goût.

* Gary Snyder Le sens des lieux. Ethique, esthétique et bassins versants, page 56, paragraphe "Le yogi et le philosophe".